Épisode 1329 : L’annonce du déploiement mondial de la fonctionnalité AI Overview par Google, le 20 mai 2025, marque un tournant majeur dans l’histoire du web. Cette innovation technologique – qui résume automatiquement des contenus issus de différents sites – permet à l’internaute d’obtenir une réponse immédiate, sans avoir besoin de cliquer sur un lien.

Ce changement structurel soulève une question brûlante pour les professionnels du web : à quoi sert encore un site web si personne ne clique ? Le trafic organique devient de plus en plus volatile, les modèles économiques des médias ou des sites e-commerce sont remis en cause, et c’est toute l’architecture du marketing digital qui doit être repensée.

1. Google devient une plateforme de réponses, plus qu’un moteur de recherche

Avec AI Overview, Google n’est plus seulement un moteur qui guide l’utilisateur vers des sites tiers. Il devient lui-même le point final de la requête. L’IA va piocher dans diverses sources pour fabriquer un résumé synthétique présenté en haut de la page de résultats.

Ce résumé prend une telle place dans la SERP qu’il relègue les résultats naturels et même payants plus bas, souvent en dessous de la ligne de flottaison. Ce phénomène a des conséquences considérables :

  • Une baisse du taux de clic sur les liens organiques, même en première position.
  • Une perte de visibilité pour les éditeurs ne figurant pas dans les sources citées.
  • Une augmentation du nombre de requêtes (effet « rabbit hole » : une réponse en entraîne une autre), sans génération de trafic.

C’est un modèle de web plus fermé, où Google absorbe toujours plus de valeur, tout en gardant l’utilisateur captif dans son écosystème.

2. Chute libre du trafic : médias et sites marchands en alerte rouge

La conséquence directe de cette nouvelle logique ? Une baisse drastique du trafic pour les sites web.

Les chiffres sont éloquents :

  • -20 % de clics sur les résultats enrichis par AI Overview (Similarweb) ;
  • -34,5 % de taux de clics sur les pages bien classées (Ahrefs) ;
  • -70 % de trafic pour certains sites de niche comme Charleston Crafted ;
  • -48 à -56 % de baisse du taux de clic pour MailOnline.

Et même si certaines IA comme ChatGPT commencent à générer du trafic sortant vers des sites d’information, ce volume reste très inférieur à ce que génère Google, qui concentre encore 90 % des requêtes mondiales.

Les modèles économiques basés sur l’affiliation, la publicité programmatique ou le trafic sponsorisé sont donc mis en péril, surtout pour les petits éditeurs ou les boutiques indépendantes.

3. L’ère post-CPC : vers un nouveau modèle publicitaire

Historiquement, la publicité sur Google reposait sur le CPC (Coût par Clic), qui mesurait la performance par l’action concrète d’un utilisateur. Avec la disparition progressive du clic, ce modèle est fragilisé.

La tendance actuelle, selon plusieurs experts du secteur :

  • Hybridation des modèles de monétisation, avec de la publicité fondée sur la visibilité ou la mention de marque.
  • Apparition d’offres premium sans publicité, mais financées par des résultats sponsorisés dans les AI Overviews.
  • Diminution du CPC dans les mix marketing, au profit de nouveaux indicateurs comme le taux de présence dans les réponses IA.

Ce basculement ramène le marketing vers une logique plus « brand-centric », où la notoriété, la reconnaissance et la visibilité priment sur l’action immédiate.

4. Révolution pour le SEO et transformation des KPIs

Le SEO traditionnel, optimisé pour obtenir un clic, perd peu à peu de sa pertinence. Il faut désormais concevoir des contenus capables de « plaire » aux IA et d’être sélectionnés comme sources de réponses.

Ce changement implique :

  • La montée en puissance de contenus de fond, bien structurés, éditorialisés.
  • L’abandon progressif des tactiques SEO courtermistes (mots-clés longue traîne, link-building pur).
  • L’intégration de nouveaux KPIs : mentions, impressions, taux de visibilité dans les résumés IA.

Les marques doivent repenser leur pilotage : ce n’est plus le volume de clics qui détermine la performance, mais la présence dans les parcours algorithmiques de l’utilisateur.

5. Quel avenir pour les éditeurs, médias et e-commerçants ?

Dans ce contexte, les éditeurs de contenus sont confrontés à un dilemme : continuer à publier comme avant, ou s’adapter à un web lu par des robots plus que par des humains.

Ce que suggèrent déjà certains mouvements du marché :

  • Les grands sites e-commerce comme Cdiscount ouvrent leurs contenus aux crawlers IA, pour s’assurer d’apparaître dans les réponses de type Perplexity ou ChatGPT.
  • Les médias repensent leurs modèles vers des bases de données éditoriales « IA-friendly ».
  • Les indépendants cherchent des alternatives : newsletters, abonnements directs, plateformes propriétaires.

La « merdification » du web, avec des contenus générés par IA devenant les sources de l’IA elle-même, menace aussi la fiabilité des réponses proposées aux internautes.

Conclusion : Marketing sans clic, retour aux fondamentaux

L’ère du « click marketing » touche peut-être à sa fin. Le web entre dans une nouvelle phase, où le branding, la qualité éditoriale et la visibilité algorithmique deviennent les leviers majeurs de performance.

Pour les marques, cela signifie :

  • Renouer avec des logiques de présence, de réassurance, de réputation.
  • Développer une stratégie de contenu utile, sincère, durable.
  • Sortir de la course au KPI de court terme pour bâtir une relation durable avec l’audience.

AI Overview n’est peut-être pas la fin du web, mais certainement la fin d’un certain web. À nous d’inventer le suivant.



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