Épisode 1314 : Le terme « fake » – qu’il s’agisse de contrefaçons, de fausses collabs, de campagnes fictives ou de faux produits – s’impose aujourd’hui comme un phénomène ambivalent dans l’univers des marques.
Longtemps perçu comme un fléau, le faux est aujourd’hui aussi un levier de créativité.
Dans un monde saturé d’images et d’activations marketing, le fake interroge. Il déstabilise. Il intrigue. Et parfois… il inspire.
Le faux est-il l’avenir des marques ?
—
Quand on parle de faux il convient de distinguer : bootleg et contrefaçon
La distinction principale entre un bootleg et une contrefaçon réside dans l’intention et l’exécution :
- La contrefaçon cherche à tromper le consommateur en imitant fidèlement le nom, le logo et les éléments d’une marque dans un but frauduleux.
- Le bootleg, lui, s’inspire de la marque mais propose une version modifiée, qui ne cherche pas à se faire passer pour l’original. Le bootlegger est une œuvre créative à part entière.
—
Dans la mode le Bootleg s’est installé comme un mouvement Culturel fort
Le terme bootleg dans la mode désigne des vêtements ou accessoires qui détournent ou s’inspirent des éléments d’une marque sans les usurper complètement.
Les premiers bootlegs dans la mode sont apparus principalement dans les années 1990 et ont littéralement exploses avec les réseaux sociaux. Parmi les marques emblématiques du Bootleg.
—
A Bathing Ape : Marque japonaise qui a marqué l’histoire du bootleg avec sa Bapesta, lancée en 2002. Ce modèle reprend quasi à l’identique le design de la Nike Air Force 1, remplaçant simplement le Swoosh par une étoile. La Bapesta a été popularisée par des artistes comme Kanye West ou Pharrell Williams
https://www.instagram.com/p/DHtA-tmuJgU/?img_index=1
Hier la marque évoluait à la limite de la contrefaçon. Elle collabore aujourd’hui très officiellement avec des marques comme Adidas
https://www.instagram.com/p/DH6I241uw1v/?img_index=1
—
Brian Lichtenberg
Ce créateur américain a bâti sa notoriété sur des pièces streetwear arborant des logos pastichés de grandes maisons de luxe comme Hermès, Chanel, Gucci, Céline ou Balmain.
Avec 77k followers sur Instagram, le créateur est aujourd’hui considéré comme une figure montante de la mode US. Ses créations sont portés par les célebrités. La hype est solide.
https://www.instagram.com/brianlichtenberg
Gucci
Gucci a lui-même joué avec la culture bootleg, en proposant des pièces volontairement inspirées des contrefaçons, comme les t-shirts « Guccy » ou les slogans « Guccify Yourself ».
——
Le fake comme stratégie de communication
Certaines marques créent leurs propres fakes, volontairement, pour alimenter le buzz. C’est une stratégie de disruption.
- Balenciaga x Lay’s : un sac de luxe en forme de paquet de chips. Faux produit ou vrai concept ? Les frontières deviennent floues.
- Diesel a ouvert une boutique à New York sous le nom « Deisel » lors de la Fashion Week 2018. Faux logo, vraie boutique. Une campagne virale énorme.
https://www.youtube.com/watch?v=dzLyHwYDU6U - MSCHF (Brooklyn) : collectif à l’origine des fameuses « Satan Shoes » en collaboration avec Lil Nas X. 666 exemplaires. Une goutte de sang humain dans la semelle. Nike a porté plainte. MSCHF assume : ce n’est pas du marketing, c’est une œuvre critique.
https://satan.shoes/
—
TikTok, Instagram : l’ère du faux assumé
Les plateformes sociales amplifient le phénomène.
On partage des « fake collabs » : une collab fictive entre deux marques iconiques, juste pour faire parler.
Avec les IA génératives, Instagram et TikTok se remplissent de fausses collaborations.
Nike et Louis Vuitton, https://www.instagram.com/p/Cr8REaMN0Ao/?img_index=6
—
Le faux comme outil de créativité et de réinvention
Au-delà du marketing, le faux devient un outil puissant de créativité.
les contrefaçons bon marché soient devenus une source d’inspiration majeure pour les marques de mode de luxe, rendant de plus en plus difficile la distinction entre le vrai et le faux.
—
Démocratisation et banalisation de la contrefaçon
La Gen Z a grandi avec Internet, les réseaux sociaux et les plateformes de revente. Cela a facilité l’accès à des produits contrefaits ou inspirés de grandes marques, souvent à des prix très attractifs.
Pour beaucoup de jeunes, acheter des articles « inspirés » ou non officiels est devenu un acte courant, parfois décomplexé, surtout dans le streetwear et la sneaker culture.
Selon une étude de l’International Trademark Association (INTA), 79 % des membres de la Génération Z aux US ont acheté des produits contrefaits dans l’année. Etude de 2019.
—
Rapport ambivalent à l’authenticité
Contrairement aux générations précédentes, la Gen Z joue parfois avec les notions d’authenticité et de faux. Certains assument ouvertement porter des « fakes » ou des bootlegs, considérant que le style prime sur l’authenticité de l’objet.
Sur des plateformes comme TikTok, la tendance des « dupes » (produits imitant des articles de luxe sans en être des contrefaçons illégales) est en plein essor. Le hashtag #dupe a accumulé plus de 3,5 milliards de vues, reflétant l’engouement de la Génération Z
https://vm.tiktok.com/ZNdMtU7aN
Pour la génération Z, la créativité prime parfois sur l’authenticité, et l’ambiguïté entre vrai et faux devient un moteur d’intérêt et d’innovation.
—
Les risques : contrefaçon et atteinte à la réputation
Cependant, le fake n’est pas sans danger. La contrefaçon, qu’il s’agisse de produits ou de logos, porte atteinte à la propriété intellectuelle, sabote la relation de confiance avec les clients et peut nuire gravement à la réputation des marques. Les plateformes numériques, particulièrement les marketplaces en ligne et les réseaux sociaux, ont facilité la propagation de ces produits contrefaits.
Les marques doivent donc investir dans des outils d’authentification (par exemple, l’IA pour détecter les faux produits) et dans l’éducation des consommateurs pour préserver leur intégrité. Sur des réseaux comme Facebook ou Instagram, où les faux produits peuvent circuler rapidement, une stratégie de communication proactive devient indispensable pour éviter toute confusion.
—
Le Fake Street Marketing : une tendance en plein essor
Le fake street marketing consiste à créer de fausses campagnes de communication, souvent 100% digitales, qui donnent l’illusion d’événements spectaculaires dans l’espace public. Par exemple, des sacs géants de Jacquemus dans Paris ou un rouge à lèvres géant de L’Oréal traversant la capitale, réalisés en 3D et diffusés sur les réseaux sociaux, captent l’attention du public et génèrent un fort engagement sans logistique lourde.
Ce phénomène, aussi appelé FOOH (Fake Out Of Home), permet aux marques de tester la viralité d’une idée avant de la concrétiser. Sur Instagram ou TikTok, ces visuels attirent une large attention, génèrent des interactions massives et alimentent une forme de marketing basé sur l’émotion et la curiosité, sans avoir besoin d’une activation physique. Les utilisateurs créent ainsi un effet boule de neige, partageant leurs impressions en ligne, et augmentant ainsi la visibilité de la marque de manière exponentielle.
—
Vers un nouvel imaginaire du luxe et de la marque
Le faux s’impose comme un paradoxe : il pousse les marques à valoriser l’expérience authentique et la matérialité, tout en exploitant le potentiel créatif du numérique et de la fiction. L’avenir des marques pourrait donc se jouer dans ce « duel (ou duo) entre la réalité et la créativité du faux », où l’imagination devient une valeur centrale.
Dans cet univers où les réseaux sociaux sont les principaux vecteurs de diffusion, ce paradoxe entre réel et faux devient un terrain de jeu essentiel. La manière dont une marque interagit avec cette ambivalence en ligne influencera son positionnement futur.
Conclusion
Le fake n’est pas l’avenir unique des marques, mais il en sera sans doute une composante majeure. Utilisé intelligemment, il permet d’innover, de surprendre et de dialoguer avec une nouvelle génération de consommateurs, tout en imposant aux marques de redoubler d’efforts pour défendre leur authenticité et leur réputation. La frontière entre vrai et faux n’a jamais été aussi poreuse, et c’est dans cette zone grise que se dessine le futur du branding, un futur alimenté par la créativité numérique et la viralité des réseaux sociaux.