Épisode 1287 : Est-ce que je dois remplir une liste de critères bien précis pour être perçu comme une marque authentique ou est-ce que chacun peut avoir sa propre projection de l’authenticité ?
En gros est-on perçu comme authentique au regard de ses propres valeurs ou des valeurs des gens qui découvrent ma marque ?
Mais (en vrai) ça veut dire quoi être authentique pour une marque ?
Aujourd’hui, on demande aux marques de ne pas seulement vendre des produits, mais de raconter qui elles sont vraiment. Et dans ce storytelling de soi, un mot revient comme un mantra : authenticité.
Regarde autour de toi. Le mot est partout.
Sur un pack de yaourt : “Recette authentique, comme à la ferme”. Sur une pub de banque : “Une banque proche de vous, authentique”. Dans une plateforme de marque : “Nous valorisons l’authenticité et la transparence”. Dans les briefs édito : “Tonalité : authentique, humaine, proche”.
Ça n’est plus juste une tendance. C’est une norme culturelle.
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L’authenticité : une injonction paradoxale
Tout le monde en parle. Tout le monde la réclame. L’authenticité serait la qualité ultime. Celle que toute marque devrait revendiquer.
C’est devenu un mantra du marketing moderne. Sois authentique et tout ira bien.
Mais à force de vouloir l’être, est-ce qu’on ne finit pas par la perdre ?
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Le contexte culturel : une crise de confiance généralisée
Pourquoi cette obsession ?
Parce que les publics sont devenus hyper méfiants.
Fake news, greenwashing, campagnes trop léchées, influenceurs surpayés : le public a appris à se méfier du vernis.
On vit une époque où la confiance est érodée. Résultat : on cherche du vrai. Du brut. De l’imparfait. Et les marques doivent s’adapter à cette attente.
Dans ce contexte, revendiquer de l’authenticité devient un outil de réassurance.
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Le paradoxe de l’authenticité déclarée
Tu connais cette phrase : “Je vais pas te mentir, mais…”
Souvent, c’est le signe qu’on va justement te mentir.
Pour une marque, c’est pareil. Quand tu commences à clamer partout que tu es “authentique”, c’est rarement bon signe. L’authenticité, ce n’est pas une promesse. C’est un ressenti. Une perception. Ça ne se décrète pas.
C’est un peu comme le cool. Si tu dis que tu es cool, c’est que tu ne l’es probablement pas.
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L’authenticité comme capital symbolique
Le sociologue Pierre Bourdieu parle de capital symbolique. L’authenticité, aujourd’hui, en est un.
C’est une manière de dire : “Nous sommes différents. Nous ne sommes pas une simple entreprise. Nous avons une âme.”
Mais à trop chercher à “faire vrai”, on fabrique souvent du faux.
Exemples :
- Une marque de bière industrielle qui montre des agriculteurs boueux et des champs ensoleillés.
- Une DNVB qui embauche un copywriter pour écrire des mails comme si c’était “le fondateur qui parle”.
C’est du faux-authentique. Du théâtre d’authenticité.
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Être authentique en suivant les trends ?
Est-ce qu’on peut être authentique et faire la même trend TikTok que tout le monde ? Est-ce que copier le format “ma journée en 3 points” rend ta marque plus sincère ?
Pas sûr. Et pourtant, la tentation est forte. Car les trends, c’est de la visibilité facile. Mais attention au revers de médaille : à force de faire comme les autres, on perd ce qui fait notre singularité.
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Castello Lopez en parle dans son spectacle
Dans son spectacle “Authentique”, il démonte le concept d’authenticité. Il parle de ceux qui veulent “être vrais”. Qui cherchent à tout prix à se montrer “naturels”. Mais qui, dans cette tentative, deviennent les plus artificiels.
C’est souvent ceux qui parlent le plus d’authenticité qui en ont le moins.
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Et si on parlait plutôt de sincérité ?
Remplaçons le mot “authenticité” par “sincérité”. Ça change tout.
Une marque sincère ne cherche pas à paraître. Elle fait. Elle agit. Elle montre ses coulisses, ses doutes, ses valeurs… sans chercher à les marketer à tout prix.
C’est la différence entre se raconter et jouer un rôle.
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Être sincère, c’est aussi accepter de ne pas plaire à tout le monde
D’une certaine manière être sincère c’est être engagé. A minima ça veut dire que ma marque a un point de vue sincère qu’elle défend.
Et bien je peux vous dire que c’est rare.
Exemple : la marque de fringues Asphalte. Pas de soldes, pas de greenwashing, pas de bullshit. Leur positionnement est clair, assumé, clivant parfois. Et ça fonctionne. Parce que c’est sincère.
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Et si être authentique, c’était être vulnérable ?
Peut-être que la clé est là. Dans la capacité à se montrer vulnérable. À ne pas tout maîtriser. À dire quand ça ne va pas.
Sur les réseaux, certaines marques l’ont bien compris. Elles documentent leurs galères. Elles laissent de la place à l’imperfection. Elles racontent l’envers du décor.
Autre exemple : Le Slip Français qui montre ses ateliers, ses fournisseurs, ses échecs aussi.
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L’authenticité, ce n’est pas une stratégie de contenu.
C’est une manière d’être. Une posture.
Si ta marque est cohérente, sincère, alignée entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait… alors elle sera perçue comme authentique. Sans avoir besoin de le dire.
Donc, en vrai, être authentique, ça veut surtout dire : être sincère.
Et arrêter de vouloir à tout prix plaire à tout le monde.